ARBITRAGE
[DNA] : Gros plan sur Gérard Schmitt (FC Mothern) : Le goût du sifflet
Mardi 27 mai 2008
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Le seul regret de Gérard Schmitt ? Ne pas avoir eu à arbitrer une finale de Coupe d'Alsace.
[Photo DNA - Johanna Leguerre]
En août prochain, il signera sa 39e licence d'arbitre pour le compte du FC Mothern, son club de toujours. Après avoir officié en DH jusqu'en 1996 - il faisait la touche en CFA -, Gérard Schmitt poursuit avec passion sa carrière dans le championnat du Bas-Rhin.
Sur le territoire alsacien, ses moustaches sont aussi célèbres que l'imperméable et la 403 de Colombo, ou que le crâne chauve de Kojak. Oui, mais lui, il a l'accent de son pays et n'a pas besoin d'être doublé pour se faire comprendre.
Gérard Schmitt, bientôt 58 ans, est arbitre, fin limier des pelouses, parfois shérif, parfois psy, toujours acteur.
Et quand on lui demande de quelle école il est, il répond prestement. « Je suis plus Konrath que Wurtz. » Donc, plus sobre, voire austère, que théâtral et volubile. « Sur un terrain, je ne parle pas quand je n'ai rien à dire. Chacun son style. »
« Dès que j'allais jouer au foot, j'avais un sifflet dans la poche »
Il est le contraire de son ami Marc Gass, maître-gesticulateur sur une pelouse, qui le traite de « papy », alors qu'il va seulement être grand-père dans quelques semaines. « Lui, il l'est déjà », sourit notre homme du Nord.
La vocation, Gérard Schmitt l'a eu très jeune quand, du côté de Mothern, alors joueur, un ustensile ne quittait jamais ses poches. « Dès que j'allais au foot, j'avais un sifflet. Au cas où on aurait eu besoin de moi. »
Défenseur impitoyable, « dur sur l'homme » comme il le dit, un match va le marquer pour toujours et presque décider de son engagement dans les pas de son parrain.
« Mothern, mon club de toujours, avait disputé la finale régionale de la D IV face à Hésingue en 1968. Notre adversaire avait gagné aux tirs au but. Il était parti avec la Coupe de champion. Mais le règlement disait qu'en cas d'égalité au terme de la rencontre, le match devait être rejoué. Vous imaginez la frustration des Haut-Rhinois. »
La deuxième finale, classée à haut risque, eut lieu à Sundhoffen, devant près de 800 spectateurs dont 300 venus en cars de Mothern. « La Ligue avait désigné Xavier Wittmann, "le bossu", alors pape des arbitres en Alsace. C'est lui qui m'a influencé, m'a même guidé. » Et le FC Mothern était devenu champion d'Alsace pour la première fois de son histoire. Gérard Schmitt, lui, choisira définitivement la tenue d'arbitre.
La photo de Barthez au piano-bar de l'hôtel
Des souvenirs, il en a des albums entiers, comme autant de traces de sa carrière. On y trouve les photos de ses matches importants (rencontres amicales du Racing, du Monaco d'Arsène Wenger), le poster dédicacé par les joueurs de l'équipe de France 98.
« Grâce à Marc Keller, j'avais pu les voir à leur hôtel de Tignes et les photographier avec mes enfants quelques mois avant la compétition. J'avais eu Barthez au piano-bar. »
Et puis, il y a aussi eu ce match entre les arbitres d'Alsace et les arbitres du FC Bayern Munich joué à la Meinau en 1973 en lever de rideau devant 35 000 spectateurs.
« On avait perdu 3-5, mais on a largement égalisé en troisième mi-temps. » Il évoque aussi le match retour à Munich, l'année suivante avant un Argentine - Haïti de Coupe du monde. « On avait pu soulever la Coupe des clubs champions, remportée la même saison. »
Surtout, Gérard Schmitt arbitrera en DH durant dix-huit saisons jusqu'en 1996. « J'étais atteint par la limite d'âge. mon dernier match à ce niveau a été Vauban - Haguenau. Les joueurs avaient formé une haie d'honneur. »
Après, il ne voudra pas terminer sa carrière. « Certains ne continuent pas pour finir en apothéose. Moi, si. Quel que soit le niveau, je me sens bien sur le terrain. Je suis dans ma bulle. J'en ai besoin. J'ai la passion de ce jeu. »
« Mon premier sifflet, c'est mon père qui me l'a offert »
En bref, il n'aime pas sortir la boîte à cartons - « je préfère la prévention » - , n'aime pas les mots déplacés, juge plus sévèrement une brutalité commise qu'un maillot retenu, reconnaît sans peine s'être parfois trompé et l'avoir dit aux joueurs.
Et si vous l'invitez à déjeuner un jour de match, il déclinera votre proposition. « Il faut être sérieux. Un match se prépare. »
Surtout, il a précieusement, presque méticuleusement, conservé dans une trousse d'écolier les sifflets qui ont jalonné sa carrière, six au total classés au rang de reliques. « Le premier, c'est mon père qui me l'avait offert. C'est un sifflet de la SNCF. »
Il a aussi gardé ses carnets de frais depuis ses débuts et certaines de ses convocations, dont la première à peine jaunie par le temps.
« C'était le 29 novembre 1970, pour un match de jeunes entre Seltz et Hunspach. J'avais remis le match, Hunspach étant forfait. J'avais touché dix francs. » Lui, il a remis à plus tard son dernier match, il ne veut même pas en entendre parler. La saison prochaine, il remettra ça. Un détail, les Séverine et Aurélien Zinck, Sabrina Schuke et... Nicolas Schmitt, son fils, qui évolue en Aquitaine, ont suivi sa voie au FC Mothern. Il dit que c'est le hasard. Pas convaincant, pour une fois.
Jean-Christophe Pasqua // Dernières Nouvelles d'Alsace du mardi 27 mai 2008 // 1984 lectures