REVUE DE PRESSE - ARBITRAGE
[Le Républicain Lorrain] : « Rentre à la maison et va faire la vaisselle »
Mardi 8 mars 2011
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Christine Bigaran (rugby), Chantal Julien (basket) et Séverine Zinck (football). Trois femmes qui ont fait de l’arbitrage une passion.
[Photo MAXPPP]
Trois références féminines de l’arbitrage, officiant dans le basket, le foot et le rugby, évoquent leur quotidien dans ces mondes encore majoritairement masculins. A priori, les tribunes sont plus intraitables que les sportifs.
Je me souviens d’un match en demi-finale des Jeux asiatiques. Le Qatar jouait à domicile contre le Japon. Dans le public, toutes les femmes étaient voilées et moi, j’étais là, en t-shirt, sur le terrain, au milieu des regards hostiles, pas du tout à l’aise dans cet environnement. » Ce moment de solitude appartient à Chantal Julien. Madame promène son sifflet sur les grand-places de l’Italie, de France et de Navarre, et cette exception culturelle a pu d’abord surprendre dans le monde du basket. Comme les arrivées de Christine Bigaran en terre d’Ovalie ou de Séverine Zinck sur les pelouses du National (football). Ces femmes détonnent car elles sont des cas (très) isolés. Or, elles sont aussi des directrices de jeu respectées. Au prix d’intégrations plus ou moins laborieuses…
Ces dames arbitrent des hommes, avec des confrères masculins. Toutes parlent d’un « milieu assez macho », du « manque » criant de femmes derrière les sifflets, de l’accueil d’abord intrigué des sportifs et de la nécessité de « marquer son territoire ». « J’ai été cataloguée dès le départ, dit Chantal la Grenobloise. J’ai dû prouver avant de m’exprimer mais comme j’avais déjà ma notoriété de joueuse et qu’on parle le même langage, celui du basket, l’adaptation a été rapide. »
Supportrice et passionnée au départ, comme Christine Bigaran, Séverine Zinck n’a jamais pratiqué le foot. L’Alsacienne reconnaît une phase d’acceptation « un peu longue » qu’elle attribue à « un problème culturel car il y a peu de femmes dans les clubs, à part, peut-être, pour tenir la buvette. Il faudrait que ça évolue. »
La parité règne en revanche pour les salaires et… les tests physiques d’admission. « On fournit les mêmes efforts », assure Séverine. C’est le règlement qui l’exige mais c’était aussi dans leurs intentions. Car, dans un même élan, ces trois femmes refusent de se distinguer. « J’ai tout de suite montré que je n’étais pas différente et que je ne tricherai pas, affirme Christine la Haut-Garonnaise. Alors j’ai fait un gros travail physique pour être à la hauteur. Je ne voulais pas décevoir. » Parole de policière.
Selon nos témoins, la différence majeure avec le sexe dit fort serait à chercher du côté du dialogue avec les sportifs. « Certains entraîneurs trouvent leurs garçons plus respectueux quand j’arbitre », remarque Christine. « On aborde peut-être les matchs différemment, admet Séverine. On a plus de psychologie, de douceur dans le relationnel ».
Quel vestiaire ?
Par ailleurs, une question (indispensable) leur revient sans cesse : le vestiaire. Comment gérer le passage sous les douches, la cohabitation avec les confrères ? Pour le foot et le rugby, les dirigeants proposent un deuxième local, « voire l’infirmerie » (Séverine Zinck). Chantal Julien insiste, elle, pour rester avec ces collègues avant le match car « l’espace est suffisamment grand et parce qu’un match se prépare dans le vestiaire ». Pour la douche, elle file ensuite dans un lieu réservé aux espoirs.
L’obstacle le plus grand, finalement, se niche en tribunes. Christine évoque « quelques mots de supporters ». Séverine est plus explicite : « Je suis habituée à me faire chahuter par le public, admet-elle. L a plupart du temps, on me dit : reste à la maison et va faire la vaisselle. » L’éternelle finesse du supporter dépasse, hélas, le clivage des sexes.
Christian Jougleux // Le Républicain Lorrain du mardi 8 mars 2011 // 3082 lectures